I. Types et modes de domination
A. Les idéaux types de domination
Le pouvoir peut aussi reposer sur l’information, celui qui la détient exerce un pouvoir car il peut la détourner afin de faire passer son intérêt particulier pour l’intérêt général (les syndicats manifestent pour protéger les régimes de retraite spéciaux dont la plus grande partie des salariés ne bénéficient pas, tout en faisant croire que le maintien de ces régimes est dans l’intérêt de tous) ou l’utiliser à son profit (initié, je suis le premier à acheter un terrain que les autres croient inconstructibles, mais comme je sais que le maire va modifier le PLU pour rendre ce terrain constructible et que je suis l’un des seuls à le savoir, je vais l’acheter au prix d’un terrain inconstructible)….
Pensons aux diverses formes du pouvoir : pouvoir charismatique, loi du plus fort, respect filial, pouvoir des savants, pouvoir économique (ploutocratie avec le pouvoir économique qui permet d’acheter des décisions politiques par la corruption, …), pouvoir politique (démocratie ou loi du plus fort, intériorisation d’une idéologie pour obéissance à un parti représentant l’idéologie à laquelle on est fidèle) pouvoir religieux imposé au nom du sacré, de la peur de l’enfer.
Max Weber considère 3 idéaux-types de domination :
1) la domination rationnelle, il s’agit d’une domination impersonnelle, obéissance à des lois, exemple : ne pas initier l’agression au nom du respect des droits de l’homme, se conformer au code de la route.
2) la domination traditionnelle, le détenteur du pouvoir a été désigné par la tradition (roi, sorcier, pater familia, …).
3) la domination charismatique, implique soumission à ce qui est exemplaire, au chef en lequel on remet sa confiance.
Max Weber accorde aussi beaucoup d’importance aux fondements économiques de la domination. Pour Marx, ceux-ci sont essentiels, mais il y ajoute la dimension de « l’idéologie »: les idées dominantes sont les idées des classes dominantes.
B. Les modes de domination
John Kenneth Galbraith en partant de la carotte et du bâton considère trois modes de domination :
– le pouvoir dissuasif passant par la sanction si le dominé n’obéit pas, la sanction peut être réprobation, menace ou actes ;
– le pouvoir rétributif impliquant la remise d’une récompense à celui qui se soumet, qu’il s’agisse d’une louange, d’un paiement ou nature ou d’une rétribution ;
– le pouvoir persuasif, à la différence des deux autres il implique une obéissance non consciente, en effet ce pouvoir permet la modification de la façon de penser du dominé qui se soumettra sans s’en rendre compte, cette persuasion passe par l’éducation, l’adhésion sociale, par exemple accepter le vote majoritaire, se soumettre au politiquement correct.
II. La construction de règles
A. Du pouvoir de fait au pouvoir légal
Le détenteur du pouvoir construit des règles, Laubrac au sein de sa bande établit une hiérarchie et répartit des rôles (trésorier achète les boutons et recueille les fonds, estime la valeur des apports en nature, sous-chef le remplace s’il ne peut assurer ses fonctions de dirigeant), de telles règles existent dans toute organisation (règlement intérieur dans les associations, dans les entreprises, les administrations, … mais aussi à l’école), constitutions et lois pour régir la vie sociale dans un pays. Au sein d’une société l’individu qui obéit à ces règles devient citoyen.
Tout pouvoir de fait construisant ses règles devient pouvoir légal.
B. Un pouvoir légal et légitime
Mais les règles peuvent être contestées, Gueurreillas remet en cause le résultat du vote. Laubrac doit alors s’affirmer comme chef, il modifie le verdict démocratique pour que son pouvoir reste légitime.
La légitimité est importante, on la distingue généralement de la légalité (ce que fait Laubrac est illégal au vue de la règle démocratique qu’il a instauré, mais c’est légitime). En effet, une situation est légitime lorsqu’elle est acceptée par ceux qui en subissent les conséquences.
t’une manière générale, les sociologues prêtent une grande attention à la « légitimation », c’est-à-dire à l’ensemble des processus par lesquels les « dominants » parviennent à se faire reconnaître et accepter par les dominés. L’école et les media, lieux de socialisation permettent cette légitimation (plus un pouvoir est totalitaire plus il doit utiliser de moyens de légitimation et il s’agira alors de légitimation par un bourrage de crâne continuel, exemple des jeunesses hitlériennes et des komsomols soviétiques).
III. Un pouvoir peut-il ne pas être légitime ?
A. Légal et illégitime
Les trois idéaux-types de domination définis par Weber sont basés sur l’autorité, c’est-à-dire la capacité de se faire obéir sans recourir à la force physique (ce qui n’exclut pas d’autres types de forces comme la pression sociale avec le risque d’ostracisme).
En fait l’autorité est une relation légitime de domination et de sujétion, un pouvoir n’est donc légitime que s’il a de l’autorité. Faute d’autorité il ne reposerait que sur la force.
Mais il se peut que le processus de légitimation n’atteigne pas ses objectifs auprès de tous les membres de la société, il y a alors dissidence, remise en cause du pouvoir exercé et éventuellement son renversement à moins que le pouvoir ne fasse usage de la force physique (ce qui est systématique sauf dans des sociétés où il est possible de s’exclure par démission par exemple dans une association).
Attention ne pas confondre légitime et moral, si l’immoral est accepté par tous il devient légitime sans pour autant être moral.
Dans le culte de Quetzacoatl chez les Aztèques, le grand prêtre arrache le cœur d’un jeune homme pour honorer le dieu, si le sacrifice n’est pas fait la communauté est en danger donc ce sacrifice était considéré comme légitime, si nous faisons du relativisme moral on le dirait moral, mais la morale varie-t-elle selon les peuples et les époques ? Peut-on considérer comme morale une pratique légitime en certaines régions d’Afrique consistant à pratiquer ablation du clitoris et infibulation ?
S’exclure de l’État
B. Légal donc légitime
Mais le droit et donc la légalité donnent une autorité, un pouvoir, une influence.
Certains considèrent que ce que veut le pouvoir doit forcément être légitime (ce que le roi veut, Dieu le veut).
D’autres soutiennent un droit positif qui consiste à offrir à certains des droits que tous les autres doivent payer. C’est la cas du « Droit au logement » qui offre à ceux qui n’ont pas les moyens de se loger et qui en font la démarché, le pouvoir d’obtenir un logement aux frais des contribuables.
Si tous considèrent que l’État doit subvenir à nos besoins même en réquisitionnant si nécessaire alors l’État peut commettre ce qui s’apparente à un vol sans que nulle ne le mette en cause. Ce vol légal est légitimé si car chacun pense pouvoir obtenir quelques droits garantis par le pouvoir : « L’État est cette grande fiction par laquelle chacun croît pouvoir vivre aux dépens de son voisin », Frédéric Bastiat.
C. Illégal et légitime
Un pouvoir illégal et illégitime ne tiendrait pas car il serait combattu par les institutions (expression du pouvoir légal) et ne serait pas défendu. Par contre un pouvoir légitime peut-il être illégal ?
Un pouvoir illégal (légal aux yeux de ceux qui le légitiment puisqu’ils en acceptent les règles en se pliant à elles, illégal aux yeux du pouvoir établi) peut acquérir une certaine domination légitime sur certains, c’est à dire de l’autorité & de l’influence (la mafia, des groupes terroristes, par exemple). L’illégalité serait donc une instance de légitimation pour ceux qui considèrent le pouvoir légal illégitime.
L’état de sujétion dans les groupes sectaires
Du délit de manipulation mentale à l’abus de faiblesse d’une personne en état de sujétion psychologique ou physique.
Selon la loi About/Picard : » Est puni de trois ans d’emprisonnement et de 500 000 F d’amende l’abus frauduleux … d’une personne en état de sujétion psychologique ou physique résultant de l’exercice de pressions graves ou réitérées ou de techniques propres à altérer son jugement, pour conduire ce mineur ou cette personne à un acte ou à une abstention qui lui sont gravement préjudiciables « . Les peines encourues sont aggravées » lorsque le délit est commis par le dirigeant ou le représentant de fait d’une personne morale poursuivant des activités ayant pour but ou pour effet de créer, de maintenir ou d’exploiter la sujétion psychologique ou physique des personnes qui participent à ces activités « .
Conséquences de ces pratiques au niveau psychologique.
Selon l’UNADFI, association anti-secte, la manipulation mentale est habituellement pratiquée dans les groupements sectaires, l’association s’intéresse aux conséquences psychologiques de telles techniques et entend déterminer en quoi l’adepte d’une secte est soumis à un pouvoir destructeur ? :
« Véritables fabriques d’aliénation, les groupes sectaires ont des procédés qui entraînent des modifications graves au niveau de la personnalité, du comportement de l’individu et de ses relations avec sa famille et le monde extérieur. En effet, à certains procédés, le groupe sectaire amène l’individu à rompre avec son milieu culturel, familial, social et économique ou tout au moins à limiter, au maximum, les contacts avec l’extérieur. Aussi, l’individu perd son autonomie psychique et physique : convaincu et ayant perdu le sens de la réalité et un esprit critique, il ne peut plus se détacher du groupe et ne décode le monde que selon la logique de la secte.«
Rapport UNADFI, novembre 2001.
Questions
1. De façon plus générale, le pouvoir (légal ou non) est-il donc une instance de légitimation ?
2. Affaire de sectes, sectes dangereuses, pour qui ? Membres ou société ? Différence entre parti et secte ?
3. En quoi consiste le délit de manipulation mentale, pourrait-on l’appliquer au-delà des sectes ? Exemple l’éducation « citoyenne » est-elle une manipulation mentale ?
L’influence & la domination illimitées peuvent être légitimes aux yeux des dominés, pensons aux adeptes de groupes sectaires. Faut-il donc déclarer illégale une telle domination au risque d’amener les dominants à accroître encore leur domination (pressions maximales pour éviter toute « trahison » qui menacerait gravement l’existence de l’ensemble de l’institution clandestine), la légitimité des dominants mettant, dans ce cas, en péril les dominés ? Doit-on déclarer légale toute domination légitime puisque acceptée par les dominés ? Pour répondre à cette question comment juger de l’acceptabilité d’une domination et qui doit en juger ?
L’expérience de Stanley Milgram