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Pouvoir politique et pouvoir économique

26 Nov

ayn-randLes théoriciens étatiques entendent nous faire admettre qu’il n’y a pas de différence entre le pouvoir politique et le pouvoir économique. Combien de fois n’avons nous pas entendu des formules du type : « Un homme qui a faim n’est pas libre » ou encore « Pour l’ouvrier cela ne fait pas de différence d’obéir à un capitaliste ou à un bureaucrate ». La plupart des gens acquiescent à ces formules, pourtant chacun sait que dans les pays où les libertés individuelles sont violées, là où les bureaucrates ont renversé les capitalistes le peuple est pauvre et dans les chaînes. Mais qu’est ce qui différencie fondamentalement la liberté de l’esclavage ?

La différence se trouve dans le principe de l’action volontaire contre l’action menée sous la coercition. La différence entre le pouvoir politique et toute autre forme de pouvoir, entre l’État et les organisations privées se situe dans le fait que seul l’État détient le monopole légal de l’usage de la force physique. Cette distinction est si importante et si rarement reconnue de nos jours qu’il convient de la garder à l’esprit.

Je le répète donc : seul l’État est détenteur du monopole légal de la force physique, aucun individu, aucun groupe privé ne dispose de ce même pouvoir d’imposer à d’autres individus ou groupes d’agir contre leurs propres choix. La nature de l’action étatique est donc l’action coercitive. La nature du pouvoir politique est d’obtenir l’obéissance sous menace de contraintes physiques, que ce soit la menace d’amende, d’expropriation, d’emprisonnement ou de mort. Les images fumeuses, les métaphores ou les formules du type « Un homme qui a faim n’est pas libre » – ne changent pas le fait que la véritable nature du pouvoir politique est la coercition et que la liberté, dans un contexte politique, signifie seulement l’absence de coercition.

Dans un pays où les libertés individuelles sont préservées, on définira tout de même un rôle à l’État, celui d’user de ses prérogatives en tant qu’agence de protection des droits individuels. Un tel État devra s’abstenir d’initier l’usage de la force physique contre qui que ce soit. Puisque le droit d’être le premier à faire usage de violence n’appartient à aucun individu, nul ne peut donc le déléguer à qui ou quoi que ce soit. Cependant les individus possèdent le droit de se défendre contre une agression et c’est bien ce droit là qu’ils délèguent à l’État. Ainsi un État peut utiliser la violence dans le seul cadre d’une réponse à ceux qui en ont initié l’usage.

Les fonctions de l’État sont donc :

  •  la police afin de protéger les individus de ceux qui s’en prennent à leurs biens ou à leur personne ;
  • l’armée pour défendre les individus contre des invasions étrangères ;
  • la justice pour sauvegarder les biens et préserver les accords contractuels du dol ou de la violence, ainsi que pour trancher les conflits en conformité avec le droit.

C’est sur ces principes que le pouvoir politique a été limité implicitement par la Constitution des États-Unis, implicitement mais pas explicitement. Des étatistes ont donc profité de brèches dans la Constitution afin d’en modifier l’extrait. Par étatiste se définit un homme qui croit que certains hommes ont le droit d’user de la force afin d’en contraindre d’autres à leur obéir. Pour que cette croyance soit mise en pratique il faut qu’une doctrine politique donne à l’État le droit d’initier la force physique à l’encontre de ses citoyens. Combien de fois cette force sera utilisée, contre qui, jusqu’à quel point, pour quel prétexte et pour le bénéfice de qui, sont des questions qui ne comptent pas. Le principe de base et le résultat ultime de toutes les doctrines étatiques sont la dictature et la destruction. Tout le reste n’est que question de temps.
Maintenant observons en quoi consiste le pouvoir économique, quel est-il ? Il s’agit du pouvoir de produire et de commercialiser ce que l’on a produit. Dans une économie libre dans laquelle nul individu ou groupe ne peut faire usage de la coercition, le pouvoir économique ne peut être atteint que par des accords volontaires donc sans contrainte, accords de ceux qui participent au processus de production et de commercialisation. Sur un marché libre tous les prix, les salaires et les profits sont déterminés, non par le caprice arbitraire des riches ou des pauvres, non par la cupidité de certains ou par le besoin de qui que ce soit, mais par la loi de l’offre et de la demande. Le mécanisme du marché libre reflète et synthétise tous les choix économiques et toutes les décisions réalisées par ses participants. Les individus commercialisent leurs biens et services selon leurs avantages mutuels, selon leur propre jugement exercé sans contrainte. On ne peut s’enrichir qu’en proposant des biens ou des services d’une plus grande valeur ou à prix moindre que ce que les autres sont capables d’offrir. La richesse, sur un marché libre s’obtient par un vote général, libre et « démocratique » de tous les individus prenant part à toutes les ventes et à tous les achats se déroulant dans la vie économique du pays (du monde même dans le cadre de la mondialisation). A chaque fois que vous achetez un produit plutôt qu’un autre, vous votez pour la réussite du fabricant dont vous achetez le produit. Et, dans ce type de vote chacun ne s’exprime que dans les domaines où il est qualifié pour émettre un jugement, cela en fonction de ses préférences, de ses intérêts et de ses besoins. Nul n’a le pouvoir de décider pour les autres ou de se substituer à leur jugement, nul n’a le pouvoir de s’autoproclamer « voix du public ou de l’intérêt général ».
Ainsi la différence entre le pouvoir économique et le pouvoir politique est la suivante : le pouvoir économique s’exerce par des moyens positifs, il offre à chacun une récompense, une incitation, un paiement, une valeur ; alors que le pouvoir politique s’exerce par des moyens négatifs, par la menace de la punition, de l’emprisonnement, de la destruction. L’outil de l’homme d’affaire est la création de valeur, celle du bureaucrate est la création de la peur.

Ayn RAND, Capitalism

 

Questions

1. Qui sont les théoriciens étatistes selon Ayn Rand, citez-en et dîtes pourquoi on peut les cataloguer ainsi.
2. Si « un homme qui a faim n’est pas libre » que devrait-on faire, par quels moyens pourrait on résoudre son problème et serait-il libre pour autant ?
3. Pourquoi la logique de l’État-Providence n’est-elle pas compatible avec la logique de la liberté selon Ayn Rand ? L’État est-il contraire à la liberté individuelle pour autant ?
4. Comment peut-on s’enrichir par l’exercice du pouvoir économique, par celui du pouvoir politique ?

L’économie, une science issue de la philosophie

11 Nov

I. Les Droits Naturels

A. La substance des droits naturels

Les économistes Classiques apparaissent avec Adam Smith, ils s’inspirent de la philosophie des Lumières et marquent la pensée économique tout au long du dix-huitième et du dix-neuvième siècle.

Ils posent la primauté de l’individu doté de raison et de ses droits naturels :

  • droit de propriété ;
  • liberté et égalité en droit des individus, donc pouvoir d’exercer librement leur volonté sur les marchés par la liberté contractuelle (contracter avec qui l’on veut, sur ce qu’on veut, aux conditions acceptées par les deux parties°.rt commercial, contrat de travail, …).
 B. Les implications des droits naturels
Révérend Elisha Williams

1. Le droit de propriété est un droit contre l’État

Sur ce point le révérend Elisha Williams a tout dit dès 1744 :

« Ainsi, comme nous l’indique la raison, tous les hommes sont nés naturellement égaux c’est-à-dire dotés d’un Droit égal sur leur personne, et aussi d’un Droit égal à leur conservation […] et comme chaque homme possède un Droit de propriété sur sa propre personne, le travail de son corps et l’œuvre de ses mains lui appartient en  propre et personne n’y a Droit que lui-même ; il s’ensuit donc que lorsqu’il tire n’importe quel objet de l’état où la nature l’avait mis, il y mêle son travail et joint quelque chose qui lui appartient ; ainsi il en fait sa propriété … Aussi, puisque chaque homme a un Droit naturel sur sa propre personne (il en est propriétaire) et sur ses propres actions et travail, ce que nous appelons la propriété, il s’ensuit sans aucun doute que personne ne dispose d’aucun Droit sur la personne (pas de service militaire) ni la propriété d’autrui (pas d’impôts ni de redevances ou taxes). Et si chacun possède un Droit sur sa personne et sa propriété, il a aussi le Droit de les défendre […] et donc le Droit de punir toute offense infligée à sa personne et à sa propriété. »

2. La liberté contractuelle

De par leur liberté et l’égalité en droit des individus, ceux-ci peuvent exercer librement leur volonté sur les marchés par la liberté contractuelle. Cette liberté contractuelle suppose que l’on peut contracter avec qui l’on veut, sur ce qu’on veut, aux conditions acceptées par les deux parties. Cela vaut pour tout type de contrat dont le contrat commercial, le contrat de travail, …

II. La main invisible

L’individu est doté de raison et en recherchant son intérêt propre il permettra d’atteindre l’intérêt général grâce à la main invisible.

A. Marché et solidarité

Et si « marché » rimait avec solidarité ?

  • Quand tu achètes une baguette chez ta boulangère, me demande un ami économiste, pourquoi te la vend-elle ?
  • C’est son métier…
  • C’est surtout son intérêt. Elle préfère avoir 4,20 francs plutôt qu’une baguette…
  • C’est normal : la baguette lui a coûté beaucoup moins cher.
  • Exactement. Et pourquoi est-ce que tu lui achètes sa baguette ?
  • Parce que j’ai besoin de pain…
  • Sans doute. Mais tu pourrais faire ton pain toi-même. La vraie raison c’est que tu préfères avoir une baguette plutôt que 4,20 francs.
  • Bien sûr ! La baguette, si je devais la fabriquer moi-même, me reviendrait, temps de travail compris, beaucoup plus cher…

  • Tu commences à comprendre ce que c’est que le marché. Elle vend son pain par intérêt, tu l’achètes par intérêt, et chacun y trouve son compte. C’est le triomphe de l’égoïsme…
  • C’est surtout le triomphe de l’intelligence ! Faire son pain, passe encore. Mais qui pourrait se fabriquer une voiture ou une machine à laver ? C’est ce que Marx
    appelle la division du travail…

  • Adam Smith en avait parlé avant lui. Or Smith, ici, est plus éclairant que Marx.

  • Je te vois venir : éloge du libéralisme…
  • Essayons plutôt de comprendre. Je reviens à ta boulangère. Tu pourrais aller chez un de ses concurrents. Pourquoi vas-tu chez elle ?
  • Parce que son pain est meilleur.
  • Elle a donc intérêt à faire le meilleur pain possible. Mais l’achèterais-tu à n’importe quel prix ?
  • Sans doute pas.

  • Pour te garder comme client, elle a intérêt, dans une économie concurrentielle, à t’offrir le meilleur rapport qualité-prix possible. C’est aussi ce que tu souhaites. Vos intérêts ne sont pas seulement complémentaires, ils sont convergents !
  • Pas étonnant qu’elle me sourie si gentiment…
  • Ni que tu sois si poli avec elle ! Chacun de vous deux n’agit que par égoïsme, mais cela, loin de vous opposer, vous rapproche. Pourquoi serait-on désagréable avec celui dont on a besoin ? Mais que le pain soit moins bon ou plus cher qu’à la boulangerie voisine, ou que tu ne puisses plus payer, c’en est terminé de votre relation : tu ne lui dois rien, ni elle à toi, qu’autant que vous y trouvez l’un et l’autre votre compte. C’est ce qu’on appelle le marché : la rencontre de l’offre et de la demande, autrement dit la libre convergence – par la médiation de l’échange et sous réserve de concurrence – des égoïsmes. Chacun est utile à l’autre, sans qu’on ait besoin de le forcer. Tous ne cherchent que leur propre intérêt, mais ne peuvent le trouver qu’ensemble. C’est pourquoi le pain est meilleur et plus abondant dans une économie libérale que dans une économie collectiviste. La convergence des égoïsmes est plus efficace que les contrôles et la planification !

  • Tu enfonces une porte ouverte…
  • Elle ne l’a pas toujours été !
  • Elle l’est désormais, depuis des décennies. Qui voudrait fixer un prix par force ou par décret ? Ce ne serait plus marché, mais racket ou police. La misère, dans les deux cas, est au bout, et les queues immenses devant des magasins presque vides…

  • Je ne te le fais pas dire ! Mais alors, il faut en tirer les conséquences. Ce que tu appelais le triomphe de l’intelligence, c’est le triomphe du marché.
  • C’est surtout le triomphe de la solidarité, mais vois comme le marché et l’égoïsme assurent la solidarité.

André Comte-Sponville
Dictionnaire philosophique, PUF, 2001, p.355-358

1. À partir de ce dialogue expliquez le rapport entre l’échange et la division du travail.

2. Comment fonctionne la main invisible ? La concurrence est-elle une condition nécessaire de son efficacité ?

3. On oppose aujourd’hui le commerce solidaire au commerce « tout court », pourquoi et cela a-t-il un sens ?

4. Pourquoi ne devrait-on pas fixer un prix par décret ? Voir Manzoni.

B. La logique des intérêts

« Nous n’attendons pas notre dîner de la bienveillance du boucher ou de celle du marchand de vin et du boulanger, mais bien de la considération qu’ils ont de leur propre intérêt. Nous nous adressons non pas à leur humanité, mais à leur égoïsme, nous ne leur parlerons pas de nos besoins, mais de leurs intérêts ».

Adam Smith, la richesse des nations.

Donc nous sommes tous des égoïstes mus par la recherche de notre intérêt maximum, c’est là l’hypothèse de l’homo oeconomicus : l’homme est rationnel et maximise sous utilité sous la contrainte des moyens limités dont il dispose.  Mais nous ne sommes pas toujours munis d’une calculatrice pour chercher toujours les meilleures solutions possibles. Certes, mais comme le précise Milton Friedman :  » L’homo oeconomicus est peut-être un être mythique, une invention des économistes ; mais il ne l’est ni plus ni moins que bien des lois physiques concernant le comportement des atomes et des électrons. Comme lui celles-ci ne sont bien souvent que des lois statistiques portant sur un comportement « moyen » qui ne prétend pas décrire le comportement réel de chaque particule.« 

III. Marché et Etat

 A. La loi de l’offre et de la demande

Le fonctionnement de l’économie de marché, régit par la loi de l’offre et de la demande dans un contexte de concurrence, permet d’obtenir une situation économique optimale. Exemple : si un produit devient trop cher, alors d’autres producteurs se mettent à la produire aussi, pour obtenir une part sur le marché ils le vendront moins cher et les prix de ce produit baisseront.

Le marché est l’expression de la liberté de choix et de la liberté d’entreprendre, il permet de coordonner des millions d’interactions entre des individus tour à tour demandeur et offreur selon leur propre volonté.

B. Le rôle de l’État
Un Etat suffisamment développé pour vous donner tout ce que vous voulez est un Etat suffisamment fort pour vous prendre tout ce que vous avez

Dans la vision Classique, l’Etat doit assurer des fonctions régaliennes :

l’intervention de l’État sur les marchés vient créer des effets pervers le rendant inefficient (dans les Fiancés de Manzoni, face à une disette l’État veut réglementer le prix du pain, plus personne ne produit de pain et la famine et la peste déciment la population ; alors que si le prix est trop élevé, d’autres producteurs apparaissent sur le marché et l’offre plus importante fait baisser les prix) ;

l’État devra tout de même assurer par son monopole de la violence légale la sécurité des échanges et le respect des contrats, il se chargera donc de la police, de la justice et de la défense du territoire (État-gendarme), certains économistes dits Libertariens remettent cependant de telles prérogatives en cause.

Et si on accepte l’État, jusqu’à quel point doit-on l’accepter ?